« Connaitre, ce n’est point démontrer, ni expliquer, c’est accéder à la vision »

Antoine de Saint-Exupéry

jeudi 1 mai 2014

Redonner du sens à l’engagement dans l’entreprise


Imaginez l’entreprise « Lumière » dont la finalité serait d’éclairer avec le plus d’intensité possible son environnement immédiat. Imaginez maintenant que chaque collaborateur de cette entreprise est un accumulateur électrique d’une génération nouvelle et qui a le pouvoir:
  •  soit de produire de façon autonome de l’électricité  et de la mettre à disposition de l’entreprise pour augmenter l’intensité de la lumière,
  • soit de se mettre en position neutre c’est-à-dire ne pas produire ni consommer d’électricité mais attendre passivement que les conditions soient plus favorables pour se remettre en marche.
  • soit de consommer de l’énergie produite par les autres accumulateurs pour assurer sa survie,

Imaginez que ce qui fait la caractéristique supérieure de cette ressource énergétique dans l’entreprise c’est l’intelligence qui lui permet de choisir « librement » son mode de fonctionnement. Il y a donc dans cette source d’énergie une capacité à l’autodétermination qui va se traduire par :

  •            Je me mets au service de la finalité de l’entreprise,
  •       je me mets en attente de meilleures conditions donc je cesse de contribuer à sa finalité ou
  •             je consomme de l’énergie pour assurer ma survie dans l’entreprise et j’affaibli l’ensemble.
Voilà la réalité à laquelle est confronté l’entrepreneur du 21ème siècle. Dans un contexte de bouleversements économiques, alors qu’il doit faire face à un environnement sans cesse plus contraignant, alors qu’il voudrait pouvoir compter sur toutes les forces vives pour relever les défis,  il doit chaque jour faire le constat de défections nombreuses.

Entre 2000 et 2011, le nombre de jours d’arrêt maladie a augmenté de 14% passant de  180 millions de Journées à 205 millions de journées (source : sécurité sociale)
Selon Technologia, 3,2 millions de français soit 12% de la population active serait en « risque élevé » de burn out.

Comment faire alors pour que chacun dans l’entreprise retrouve l’envie et l’énergie d'œuvrer au projet commun ? Comment créer les conditions d’une adhésion volontaire pour investir du temps dans l’entreprise ? Comment éviter de se trouver dans l’obligation de multiplier les règles pour contraindre les collaborateurs à faire « ce pourquoi ils sont payés » ? Comment redonner du sens à l’investissement individuel et collectif dans un projet commun ?

La réponse est à la fois simple et compliquée.

Simple parce que la cause première de cette démobilisation générale repose sur la perte de la vision commune et de la compréhension de la finalité et de l’engagement des entreprises à œuvrer au bien commun. La mobilisation individuelle et collective repose sur la conviction profonde de « faire quelque chose de bien ». Et contrairement à ce que l’on pourrait croire par une analyse superficielle des relations Entrepreneurs-Collaborateurs, l’argent n’est pas un levier efficace. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer ce qui se passe au niveau du bénévolat. 
D’après une étude réalisée par France Bénévolat, le travail bénévole en France a augmenté de 14% entre 2010 et 2013 soit un nombre de bénévoles qui s’élève à 20 900 000 personnes ! « Si la crise a un effet, c’est dans le sens d’une plus grande solidarité, et non, ainsi qu’il est communément admis, d’un repli sur soi.» (Situation du bénévolat en France en 2013-France bénévolat)
Et bonne nouvelle, les jeunes s’engagent de plus en plus avec +19 % dans la tranche d’âge des 15-35 ans et + 31% dans la tranche 35/64 ans.
Les ressorts de la mobilisation sont donc bien présents.

Compliqué parce que le mal semble profond. Le désamour entre les salariés et leur entreprise grandit. Selon une étude réalisé par le cabinet Mercer en 2011, près de 30% des salariés souhaiteraient quitter leur entreprise contre seulement 17% en 2007.
Un long travail de fond est donc nécessaire pour redonner à chacun le sens de son engagement dans l’entreprise.

Alors  que faut-il faire?

Il faut sans aucun doute prendre de la distance avec l’approche gestionnaire qui prévaut dans la gouvernance de nos entreprises. Il faut s’intéresser à la dimension irrationnelle dont elles sont porteuses. Ce qui fait qu’une entreprise est « porteuse de sens », c’est sa capacité à identifier et mettre en avant en quoi ce qu’elle produit est un « bien » pour son environnement. Il n’y a pas de mauvais produits ou de mauvais services. Si quelqu’un achète ce que vous produisez, c’est qu’il estime que cela est bien pour lui.  Identifier et mettre en lumière ce bien est la condition nécessaire pour permettre à chacun de s’autodéterminer en conscience sur sa volonté de collaborer.



Les données rationnelles de la gouvernance de l’entreprise découlent des données irrationnelles. Si ces données irrationnelles ne sont pas « mises en lumière », le projet d’entreprise n’a pas de sens.
Un travail sur la mise en lumière de la vision, de la finalité, des valeurs et du but de l’entreprise est donc absolument nécessaire. Ce travail ne doit pas se faire dans le huis-clos du comité de direction. Il doit tenir compte de la réalité de l’entreprise, ce qu’elle est en vérité, son identité. Il doit ensuite prendre en compte la représentation imaginaire du plus grand nombre. Les collaborateurs sont tous constitutifs de cette identité.
Un travail historique sera, par exemple, nécessaire. Par qui, quand, comment, pourquoi, et pour quoi cette entreprise a-t-elle été créé. En répondant à ces questions, la compréhension intelligible de la cohérence du tout sera possible. Rien de pire, par exemple, qu’un travail sur les valeurs de l’entreprise qui serait déconnecté de la réalité. Les valeurs ça ne se décrète pas, ça se construit et ça se vie.

Il faut aussi revisiter le mode de management. On note une mutation importante du rôle du chef dans les entreprises. Il passe du statut de décideur omnipotent et tout puissant à un statut de facilitateur. Dans un monde de plus en plus complexe, il s'agit de mettre en place les conditions qui permettent à chacun de donner le meilleur de lui même et d'exprimer pleinement ses talents.

Il faut enfin revoir toutes les règles qui régissent au recrutement et à la promotion des collaborateurs pour ne plus s’intéresser par préférence aux compétences mais aux dons et talents. Pouvoir mettre en œuvre ses dons et ses talents dans son action professionnelle est un gage d’engagement et de réussite.

Pour faire face aux défis incroyables que doivent relever les entreprises du 21ème siècle, une « révolution culturelle » s’impose. Finit le règne absolu du tout organisation et du tout gestion. Le développement des entreprises reposent sur les hommes et les femmes qui les composent. Pour pouvoir mobiliser leur volonté et leurs énergies, il est nécessaire de redonner su sens à leurs actions.