Les règles dans l’Entreprise
Une des questions les plus actuelles pour les Managers et les
Dirigeants c’est la relation des collaborateurs aux règles aux normes et au
règlement. La surenchère permanente du règlementaire et du normatif dans nos
entreprises a pour résultat le désengagement des collaborateurs et l’inhibition
de leurs potentialités spécifiques. C’est un des freins majeurs au
développement de l’esprit de coopération et donc au développement de nos
entreprises.
Cette réalité repose sur des réalités sociétales culturels et
politiques. Le judiciarisation observable de notre société produit ses effets
au cœur même des entreprises.
Mais les résistances proviennent également du manque de
réflexion et de compréhension de ce qu’est ou ce que doit être une loi, une
règle et une norme. Il appartient donc aujourd’hui aux Dirigeants et Managers de
s’intéresser à ce sujet.
Par principe, la règle, le règlement sont des limites à la
liberté de choix. Il y a une notion de contrainte. Il y a donc un réel potentiel
de frustration. C’est pour cela qu’il faut en user avec discernement.
On entend beaucoup parler de la perte du sens comme un
facteur de désengagement des collaborateurs. Subir un règlement, appliquer des
règles sans en comprendre l’utilité et la finalité est de toute évidence
aliénant.
Qu’est-ce qu’une règle, qu’est-ce qu’une loi et qu’est-ce qu’une
norme
La règle est fonctionnelle et pratique. Elle permet
le fonctionnement optimisé d’un processus technique. La finalité même d’une
règle c’est le principe de l’efficacité.
Si vous achetez un appareil électroménager, vous allez prendre connaissance de
la notice technique qui va vous permettre d’en comprendre les règles d’utilisation
pour obtenir le meilleur résultat. La règle est quelque chose qui ne se discute
pas. Elle est arbitraire. Pour bien conduire, il est important de bien
maitriser les règles qui président à l’utilisation de votre véhicule et les
règles du code de la route. Mais lorsque que vous conduisez, après une phase d’apprentissage,
vous n’êtes plus dans une pensée consciente permanente de ces règles. Elles
sont devenues des réflexes. La règle n’est pas immuable. Si elle n’est pas suffisamment
efficace, elle doit être améliorée.
La Loi, elle, ne se préoccupe pas tant de l’efficacité
d’un processus, mais plus de la concrétisation des valeurs reconnues par
tous. La Loi repose sur la morale. Pour que la Loi soit admise par tous, il
doit y avoir débat et discussion préalable. Cette Loi doit représenter les
Valeurs communes qui président à l’identité spécifique de l’entreprise. La Loi
est le moyen d’organiser les relations pour tendre vers le « Bien Commun »
de l’entreprise. La loi a donc plus une influence sur le « vivre ensemble »
que sur l’efficacité. L’interprétation de la loi dans l’entreprise se fait
généralement sous le biais du Règlement Intérieur. A la différence d’une
règle qui est arbitraire, autoritaire et unilatérale, la loi est modelée par la
discussion, la réflexion, le débat. Il peut y avoir interprétation ou adaptation
dans des cas particuliers. Pour avoir du sens, la Loi et le règlement doivent
reposer sur des valeurs communément admises et sur la compréhension et la mise
en lumière du « Bien Commun ». Elle doit être légitime et doit donc
être sans cesse soumise à l’esprit critique. Elle découle de la compréhension
de la Mission de l’entreprise (A quoi ça sert ?), de la Vision sur
laquelle repose l’engagement de tous pour remplir cette mission (Vers quel « rêve »
idéal tendons nous), et des valeurs sur lesquels reposent cet engagement commun
(à quoi je m’engage personnellement et comment je réagis dans une situation
donnée).
Je constate que dans de nombreuses entreprises, pour ne pas
dire dans la grande majorité, la mise en lumière et le partage sur le « Bien
Commun » n’existe pas. Cette notion même est obscure. On propose la
recherche de profit et la satisfaction des clients en lieu et place d’une vision
d’entreprise. Dans une économie en crise, ces deux objectifs ne sont plus
mobilisateurs. Il y a bien parfois quelques valeurs affichées, mais elles ne
reposent généralement sur aucun débat, aucune réflexion collective. Elles ont
été édictées arbitrairement par la Direction, et l’adhésion aux valeurs de l’entreprise
est très généralement de l’ordre de l’injonction réglementaire ce qui n’a aucun
sens. J’ai même rencontré des collaborateurs qui m’ont affirmé qu’ils devaient
apprendre par cœur les valeurs de leur entreprise ??
La norme a pour fonction de définir un ensemble de
spécifications décrivant un objet ou une manière d’opérer. Une norme sert à
mentionner avec précision le résultat attendu d’une opération ou la manière de
faire pour obtenir ce résultat.
Si la norme s’intéresse à la manière d’opérer, elle peut être
considéré comme un synonyme de « Règle ». Un mode opératoire c’est ni
plus, ni moins qu’une règle.
Si la Norme s’intéresse au résultat, c’est plus de l’ordre
du respect de la spécification.
Il est intéressant de noter qu’il y a eu une évolution dans
le développement des normes dans l’industrie. A l’origine, la norme avait pour
objectif la standardisation pour assurer la compatibilité de biens fabriqués
sur des sites différents dans des lieux géographiques parfois très éloignés. S’est
introduit ensuite dans le champ normatif une notion de sécurité : la
définition de spécifications pour garantir la sécurité des utilisateurs. Puis,
dans un troisième temps, le normatif s’est intéressé à des notions de
procédures, de processus de production. C’est sans aucun doute un virage
important dans l’histoire des relations commerciales. Le client ne se contente
plus de se satisfaire d’un respect des spécifications du produit, il veut s’assurer
que les processus qui ont permis à l’élaboration de ce produit sont sous contrôle
et reproductibles. On peut parler de l’apparition d’une forme d’ingérence du
client dans les affaires de son fournisseur. C’est la naissance du mythe du
Zéro défaut.
Plus de normes, plus de contrôles, moins de confiance, des
règlements qui ne reposent plus sur un consensus, une légitimité sans cesse remise
en cause, la perte de la compréhension du Bien Commun, des tentatives
malheureuses d’imposer des valeurs, des règles qui ne permettent plus l’efficacité
optimum… voilà le cocktail indigeste servi quotidiennement à nos collaborateurs.
Pour leur redonner le goût de l’engagement, du sens à leur
travail, de la dignité et l’envie de respecter le cadre, il est nécessaire de
revenir aux fondamentaux de chaque entreprise. Passer résolument d’une
entreprise organisée à une entreprise ordonnée à une finalité et engagée dans
une cause.
Pour cela, il est impératif de redéfinir la mission
de l’entreprise, la vision d’un résultat idéal souhaité et les
valeurs sur lesquels reposent l’engagement de chacun et de tous. Il sera
temps ensuite de revisiter le projet et le cadre approprié pour accomplir la
mission.
Pour écrire cet article, je me suis inspiré d’un
article de François Galichet de l’université de Strasbourg.