« Connaitre, ce n’est point démontrer, ni expliquer, c’est accéder à la vision »

Antoine de Saint-Exupéry

mardi 9 janvier 2018

BONHEUR ET PENIBILITE

Etre heureux au travail, ce n’est pas tant ne plus avoir de contraintes, travailler dans un environnement confortable, organisé, sous contrôle, parfait et faire ce que je veux quand je veux, mais c’est coopérer à une œuvre qui a du sens parce qu’elle rend un service reconnu et valorisé, exprimer ses dons et ses talents dans son travail au quotidien et développer des relations professionnelles constructives au service d’une œuvre commune.
C’est travailler à être bien au travail plutôt qu’à rechercher le bien-être au travail. C’est ne plus considérer son travail comme un objet de consommation mais comme un moyen de réalisation.

Quelle utopie de croire un seul instant que nous allons pouvoir un jour nous affranchir de la pénibilité au travail ! Tout travail est pénible, fatigant, éprouvant. Certains le sont plus que d’autre et il semble légitime de vouloir en alléger les contraintes. Mais c’est aussi parce qu’un travail est pénible, difficile qu’il est source d’épanouissement. Il permet alors de se découvrir et de se développer.

Faites l’exercice suivant :
Rappelez-vous ce que vous pouvez considérer comme votre meilleur souvenir au travail

-        Quelle séquence de votre vie professionnelle vous a rendu le plus fière ?
-        Quelles étaient les circonstances dans lesquels vous avez dû agir ?
-        Comment avez-vous abordé cette séquence ?
-        Quelles résultats avez-vous obtenu ?
-        Quelles ont été les conséquences de cette opération pour vous, pour votre entreprise, pour votre entourage ?

Dans une très large majorité des cas, lorsque je pose cette question au cours de mes interventions en entreprise, les circonstances du meilleur souvenir au travail sont :

-        Un challenge, une demande difficile voir une « galère » pour laquelle il a fallu mobiliser des ressources insoupçonnées. Il y a donc une donnée d’engagement voir d’une certaine forme de « souffrance »,
-        Un travail en équipe, qui sous la pression des conditions spécifiques a su mettre en œuvre un esprit de solidarité orienté vers le résultat,
-        Un résultat positif souvent au-delà du résultat attendu,
-        Si ce résultat a permis d’obtenir une reconnaissance particulière sous la forme d’un bonus, de félicitations, d’une promotion ou de toute forme de célébration de la part de la hiérarchie cela achève d’en faire un « meilleur souvenir ».

Nous pouvons en conclure que ce qui nous rend fier, heureux de notre travail (meilleur souvenir), ce sont généralement des galères, un fort engagement, la solidarité de l’équipe, du succès et de la reconnaissance. Ajoutez à ce cocktail heureux une activité porteuse de sens et vous obtenez une vie professionnelle épanouie.
On est loin, dans ce schéma, d’une vision édulcorée reposant sur la notion de confort et d’absence de pénibilité.

« A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. » Le Cid, Corneille


A la semaine prochaine…

vendredi 5 janvier 2018

DE LA RAISON A LA PENSEE, DE L’EXECUTION A L’ACTION

Voici donc la personne humaine avec ses 4 dimensions (Cœur, Corps, Esprit, Sentiments) parachutée dans ce monde sans en avoir eu ni le désir, ni la volonté. Forte d’une puissance interne de vie elle est poussée chaque jour à œuvrer pour un « plus grand bonheur ».

La vie qui s’offre à elle est une vie « naturelle ». Elle subit les contingences de la vie terrestre. Elle est écologique par nature puisqu’elle est une partie intégrante de cette nature. L’Homme vit dans la nature, sur la Terre, dans l’Univers.

Ce qui le différencie de toute les autres espèces présentent sur la terre, ce qui le différencie de la matière, c’est qu’il est le seul être capable de « penser » cette nature. Il est le seul être capable de se poser la question de son origine et de sa destinée. Il est le seul capable de réfléchir à la cause de son origine et à la finalité de son existence.

Il est donc par nature transcendant. Il perçoit et comprend qu’il y a une réalité « au-delà du perceptible », au-delà du réel objectif et éprouvé.

Cette réalité est intrinsèque à la personne humaine. Elle est essentielle (dans le sens où elle fait partie de son essence même).

Priver la personne humaine de l’exercice de son intelligence, de cette capacité essentielle de comprendre la cause et la finalité de son existence, la portée de ses actions, c’est la priver de sa nature même, de ce qui fait sa spécificité.

Au nom d’un idéal sécuritaire, au nom de la quête utopique de la « qualité totale », au nom de la course effrénée à la performance, nous constatons que la multiplication des normes, la multiplication des règles a une terrible conséquence :   la perte de la dignité du travailleur. Suivre des procédures, appliquer des règles sans n’avoir eu ni la possibilité de participer à leurs élaborations, ni le loisir de prendre le temps de les comprendre, c’est agir comme une machine ou comme un animal dressé.
Le cheval exécute un travail. Il n’en comprend pas le sens. Il répond par réflexe à des sollicitations pour lesquels il a été dressé.

Atteint dans sa dignité, le travailleur se désintéresse alors de son travail et ne l’identifie plus comme un moyen privilégié d’œuvrer à son bonheur. Il se désengage et le résultat obtenu par celui qui l’embauche est exactement à l’opposé de ce qu’il espérait : Moins de performance, moins de qualité et plus de risques.
Mais surtout, il a perdu le trésor même de son entreprise, ce qui la différencie de toutes les autres : la capacité de ses collaborateurs à créer, à inventer, à prendre le risque de l’inédit, de l’inexistant, de l’innovation. Il a perdu sa capacité de changer le monde.

Nos écoles supérieures produisent en quantités des individus capables de raisonner. Ils ont été formatés pour reproduire des schémas éprouvés.
On confie aujourd’hui aux algorithmes informatiques les « prévisions d’avenir ». L’algorithme, la capacité à raisonner ont bien peu de chose à voir avec l’intelligence humaine, la capacité de penser de la personne humaine.
La raison ne se pose pas, en effet, la question de la cause originelle d’un problème, de sa cause transcendante, de la raison potentiellement surnaturelle de son origine. Elle ne s’embarrasse pas non plus de comprendre la finalité existentielle de l’action mise en œuvre. Elle s’en tient à un objectif et à des faits observables. Or la pensée humaine ne se limite pas qu’à des faits observables, qu’à des objectifs à atteindre. Elle va au-delà de la simple (ou complexe) reproduction d’opérations éprouvées. Elle est capable d’intuitions. C’est ce qui fait toute la limite de « l’intelligence artificielle ». Elle n’a rien d’intelligent puisqu’elle n’est capable que de construire des raisonnements sur des solutions déjà éprouvées. Il n’y a pas d’intelligence artificielle parce qu’il n’y a pas d’intuitions artificielles.

L’intuition, la transcendance de la personne humaine, sa dimension spirituelle en font un être définitivement différent. Il a cette capacité à prendre de la hauteur et à se poser des questions d’un ordre éminemment supérieur.

Redonner aux collaborateur cette capacité à prendre de la hauteur, à réfléchir aux tenants et aux aboutissants de leur engagement dans l’accomplissement de l’œuvre commune, à participer à l’élaboration intelligente du projet et des solutions pour le mettre en œuvre est un gage d’intelligence, de dignité, de fierté et est source de bonheur. Et c’est le seul moyen pour faire de chaque collaborateur un acteur de l’entreprise. C’est pour cela que la question du sens est une donnée essentielle dans la construction de la motivation.

Le cheval de trait exécute un travail, l’Homme agit pour une cause.


A la semaine prochaine …