Le
bonheur au travail
Chers amis lecteurs,
Je vous propose d’entamer à travers ce Blogg une
réflexion sur le bonheur au travail.
J’ai bien conscience de m’attaquer à un sujet immense
et pour lequel il n’y a de toute évidence pas de réponses simples. Mais au cours
de ces derniers mois j’ai pu constater dans les différents accompagnements que
je conduis combien d’idées fausses et de faux espoirs circulent auprès de nos
contemporains. Ils sont sources de souffrances, parfois de désespoirs. Je prends
donc le risque d’apporter ma petite pierre à l’édifice. En espérant que vous y
trouverez l'inspiration.
Merci d'avance de me faire part de vos remarques afin d'alimenter ma réflexion
Bonne lecture
Une définition du bonheur
Répondre à cette question
est sans aucun doute prendre le risque de se trouver confronté à de fortes
oppositions. De nombreux esprits brillants s’y sont exercés. La question du
bonheur est la matière première par excellence de l’exercice de la
philosophie : comprendre le sens de la vie sur terre et, en en trouvant le
sens, comprendre l’existence pour mettre en œuvre les clés d’une vie réussie.
Mais il faut constater
que la question du bonheur et en particulier la question du bonheur au travail
dépasse largement le champ de la « philosophie universitaire ». C’est
sans aucun doute et plus que jamais une question d’actualité socio-économique
voir politique. Le développement des sciences sociologiques et psychologiques
nous permet de mesurer le moral des forces vives. Et le constat est amère. Le
bonheur n’est pas, comme nous l’avons tant espéré, proportionnel au niveau de
développement de nos sociétés de consommation ni le fruit naturel de la
démocratie. Pour être heureux, il semble qu’il ne suffise pas de vivre dans un
environnement favorable mais qu’il faille aussi s’engager personnellement.
Pour comprendre ce que
pourrait être une certaine idée du « bonheur », je vous propose de
raisonner par l’absurde.
Qu’est-ce que n’est pas
le bonheur ?
Le bonheur, ce n’est
pas le « bien être »
C’est sans doute la plus
grande méprise de notre époque post-moderne. Tout tend à nous faire croire
qu’être heureux, c’est ne plus subir la pénibilité de notre condition de
terrien. Le bonheur serait l’absence de la « souffrance ». Tout le
« progrès technique » se mesure à l’aune d’une « réduction de la
pénibilité au service d’une plus grande efficacité » et dans sa capacité à
nous permettre de « dépasser les limites de nos réalités physiques et
intellectuelles ».
Mais les sondages, les
analyses sociologiques apportent la preuve que la diminution de la pénibilité
ne suffit pas à rendre les gens heureux. La raison de cet échec, c’est sans
doute que notre condition de vie sur terre est…pénible. Supprimez une tache
réputée difficile, une autre d’une autre nature prendra sa place. Il ne s’agit
donc pas tant de « bien être » que « d’être bien ». Dans
l’expression « bien être » on présuppose une cause externe
améliorable qui, si elle ne l’est pas, nous empêche d’être heureux. « Etre
bien » nous renvoi, au contraire, à un principe interne mobilisable pour
la mise en œuvre des conditions du bonheur.
Tout le monde n’aime pas
passer ses vacances à se faire bronzer sur la plage. Certains préfèrent gravir
des montagnes. Et ces deux activités sont légitimes pour être heureux en
vacances. Se fatiguer, avoir des ampoules, avoir froid… ne sont pas ce que l’on
espère, a priori, lorsque l’on parle de bien-être. Mais ce sont les conditions
indispensables au montagnard pour être bien.
« Un bonheur qui dépend des
circonstances extérieures n’a rien à voir avec le véritable
bonheur. » Anonyme
Le bonheur, ce n’est
pas l’absence de contraintes
Une certaine idéologie
primaire tendrait à nous faire croire que la liberté, condition première du
bonheur, serait l’absence de contraintes. Il s’agit là de toute évidence
d’une utopie dangereuse. Connaissez-vous personnellement quelqu’un dans votre
entourage qui n’a aucune contrainte ?
Notre condition d’humain
sur cette terre est une condition de soumission. Soumission aux forces de la
nature, soumission au contingences matérielles, soumission à nos limites
biologiques personnelles, soumission à des autorités… Vouloir lutter à tout
prix contre ces soumissions ne peut pas être un but en soi. Et c’est par nature
voué à l’échec. La lutte n’est justifiable que par la finalité de la lutte. Il
y a des luttes porteuses de sens. Mais lutter pour lutter n’a pas de sens.
Il y a certaines
autorités bienveillantes et justement contraignantes qui, même si elles ont un
pouvoir de soumission, sont facteurs de stabilité, de sécurité, de fluidité et
de liberté. C’est, par exemple, toute la beauté d’une autorité parentale
équilibrée. Il y a aussi des pauvretés, des limites qui permettent la
créativité, le dépassement de soi.
Faire usage de sa
liberté, c’est plutôt « choisir librement », en mettant en œuvre son
libre arbitre, la solution qui nous parait la mieux adapté à la situation à
laquelle nous faisons face.
Etre adulte, c’est être
autonome, c’est-à-dire choisir librement et assumer ses choix. Et assumer ses
choix, c’est assumer les contraintes, les désagréments, les frustrations
inévitables et inhérentes à tout choix. Une fois le choix posé, le travail pour
parvenir à atteindre l’objectif n’est autre qu’une succession d’actions ayant
pour but de lever ou de limiter les contraintes liées aux lois naturelles et
humaines de ce monde. Il s’agit de créer les conditions favorables pour atteindre
l’objectif. Même pour partir en week-end au ski avec des amis, il faut produire
un « travail » : Préparer ses bagages, conduire, respecter le
code de la route, organiser les repas, faire les courses…
“Qu’est-ce que le bonheur ? Le sentiment que
la puissance croît, qu’une résistance est en voie d’être surmontée” Nietzsche
Le bonheur ce n’est
pas la jouissance
Je ne résiste pas à la
tentation de citer ici la très brillante chanson d’Alain SOUCHON, « foule
sentimentale ». « On nous fait croire que le bonheur c’est d’avoir de
l’avoir plein nos armoires, illusion de nous dérisoire… »
La jouissance est
éphémère. Plus elle est intense, plus elle est éphémère. Elle laisse souvent la
place à un grand vide. Vide qui appel une autre jouissance jusqu’à l’addiction.
Et l’addiction c’est une forme d’esclavage, une aliénation au plaisir. Je sais
que ce n’est pas très moderne de ne pas faire l’apologie de la jouissance. Mais
soyons réaliste. Quand nous accédons à un de nos désirs, un autre prend sa
place. C’est tant mieux d’ailleurs. C’est ce qui nous permet de continuer à
avancer, de continuer à espérer un mieux et un plus. Mais cessons d’être
puériles. Ce qui est intéressant dans le désir ce n’est pas tant le fait
d’atteindre et de consommer ou de consumer l’objet, la personne, l’objectif que
nous nous sommes fixé. Ce qui fait la valeur de ce désir, c’est la
représentation imaginaire idéale que nous développons à l’évocation de ce
désir, le fantasme et l’énergie que nous mettons à atteindre ce fantasme. Et
la valeur du fantasme réside bien souvent dans la difficulté, supposée ou
réelle, à le réaliser. Confucius
disait : « le bonheur, c’est le chemin ». Réduire la
difficulté du chemin pour atteindre plus facilement l’objet du fantasme c’est
prendre le risque de l’addiction au dépend d’un bonheur réel.
Atteindre le sommet du
Mont Blanc à pied provoque plus de bonheur que de s’y faire déposer en
hélicoptère.
“Notre bonheur ne consistera jamais
dans une pleine jouissance, où il n’y aurait plus rien à désirer ; mais dans un
progrès perpétuel à de nouveaux plaisirs et de nouvelles perfections”
Leibniz
Le Bonheur, ce n’est
pas la perfection
Là aussi, il nous faut
sortir d’une certaine vision utopique du monde. Je suis toujours ébahi lorsque
j’interviens dans certaines entreprises « sur-normalisées » de
découvrir à quel point le mythe peut l’emporter sur la réalité. Amusez-vous à
demander à de hauts responsables dans l’industrie sous quel délai ils pensent
atteindre le zéro défaut dans leur entreprise. Systématiquement vous noterez
une hésitation. Elle est parfois très longue. Finalement, la réponse arrive :
Jamais ! Mais cette hésitation montre à quel point la question est devenue
saugrenue dans certains milieux professionnels. Chaque jour, ils œuvrent tous
dans l’objectif d’atteindre la « qualité totale » oubliant que ce
n’est qu’un mythe, une illusion. Cela se confirme lorsque, ayant obtenu la
réponse attendue, vous les questionnez sur le droit à l’erreur dans leur
entreprise. C’est là généralement que vous perdez le contact avec votre client
qui pense en son for intérieur que vous êtes un doux utopiste. Mais qui est le
plus utopiste : celui qui nie la réalité ou celui qui la reconnait et
tente de s’y adapter ?
La perfection n’est pas
de ce monde et c’est tant mieux. Imaginez un monde parfait ou tout se déroule
comme prévu, ou vous avez toutes les qualités et vous maitrisez tout, avez
connaissance de tout… même de l’heure de votre mort !!! Je ne souhaite pas
personnellement vivre dans ce monde-là.
En vacances avec vos amis,
vous devez apprendre à supporter tous leurs travers et leurs mesquineries. Si
vous ne les acceptez pas, si elles génèrent chez vous une frustration
insupportable, vos vacances risquent fort de tourner au cauchemar. Ce qui peut
vous rendre heureux pendant ces vacances-là, c’est que vous passez du temps
avec des personnes que vous aimez à faire des choses qui sortent de vos
habitudes.
“Le bonheur positif et
parfait est impossible ; il faut seulement s’attendre à un état comparativement
moins douloureux” Schopenhauer
Le Bonheur, ce n’est
pas l’indépendance
Faisant actuellement l’expérience
d’un statut de « travailleur indépendant » exerçant mon activité sans
collaborateurs ni associés, je suis régulièrement interpellé par des personnes
envieuses de ma situation : « Ah ! je rêve moi aussi d’être
indépendant ». Ce sont parfois des personnes qui ont dû souffrir de
situations de soumissions professionnelles à des autorités malveillantes. Ils
s’imaginent qu’être indépendant émancipe définitivement du joug des personnes
abusant de leurs pouvoirs sur votre activité. Hélas, l’indépendance est à
nouveau une utopie. Sans client, pas d’activité. Sans expert-comptable, pas
d’activité, sans banquier, pas d’activité et sans l’administration pas
d’activité. Tous ils ont des pouvoirs sur mon activité, même parfois le pouvoir
d’y mettre un terme. La condition de travailleur indépendant à de réels
avantages. Elle a de vrais inconvénients. Et un de ces inconvénients majeur,
c’est la solitude et l’isolement.
« L'indépendance
absolue ne mène ni à la vertu ni au bonheur ». Antoine Claude Gabriel
Jobert
Le bonheur ce n’est
pas la sécurité
Dans nos sociétés
judiciarisées, il est d’usage de croire que pour être heureux, il faut se
protéger. Se protéger de tous les risques de notre vie de terrien. Hélas, nous
sommes à nouveau face à une utopie dangereuse. Vivre c’est précisément prendre
des risques. Vivre c’est dangereux. Et 100% des vivants vont mourir un jour.
C’est idiot de le dire mais important de le rappeler.
Se sentir suffisamment en
sécurité est une condition nécessaire pour pouvoir prendre le risque
d’entreprendre sa vie. C’est le rôle des règles et des lois. Mais trop de
sécurité tue l’esprit d’entreprise. Et le risque zéro n’existe pas.
Le petit d’Homme s’il
veut marcher doit prendre le risque de tomber pour apprendre l’équilibre. S’il
ne tombe pas, il n’apprend pas à marcher et ne peut pas devenir adulte
c’est-à-dire autonome. Et si l’adulte référent qui l’accompagne vers
l’acquisition de l’autonomie l’empêche de prendre le risque de tomber, il n’est
pas bienveillant envers cet enfant. Il réagit face à ses propres craintes et
pour sa propre tranquillité.
Notre société moderne est
la société de l’assurance. Nous avons des assurances sur tout. Elles sont
souvent obligatoires. Votre banquier veut bien vous prêter de l’argent à
condition que vous preniez une assurance. Il veut bien vous faire un prêt mais
veut prendre le moins de risques possibles.
Même avec la meilleure
assurance et en respectant le code de la route, conduire reste dangereux et la
voiture est un instrument qui peut être mortel. Faut-il pour autant rester chez
soi ? Le code de la route est nécessaire pour limiter le danger, mais il
ne le supprime pas. C’est un fait. Tant qu’il y aura de la circulation
automobile, il y aura des morts sur la route.
Là encore, dans de
nombreuses entreprises nous assistons à ce que nous pourrions appeler la
surenchère sécuritaire.
Ainsi sur de nombreux
sites industriels on ne communique plus sur la finalité de l’entreprise et la
nature du produit fabriqué mais… sur le nombre de jours sans arrêt de
travail ? Mettant sous pression chaque collaborateur, non pas à coopérer à
se dépasser pour tendre vers le « fantasme » commun, mais à ne
prendre aucun risque pour ne pas remettre l’indicateur à zéro.
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