« Connaitre, ce n’est point démontrer, ni expliquer, c’est accéder à la vision »

Antoine de Saint-Exupéry

vendredi 20 mars 2015

L’hyper normalisation et la perte d’identité des entreprises

La normalisation c’est une opération de lissage des différences. Normalisation et standardisation sont deux réalités qui vont de pairs.  Le mille-feuille normatif (accumulation des normes NDR) a pour conséquence la perte de l’identité des entreprises. La perte de l’identité d’une entreprise, c’est la perte de sa visibilité commerciale sur le marché. Le seul argument valable quand on a perdu son identité spécifique, c’est le prix. Or chacun sait que si l’argument du prix est le seul argument, les jours des entreprises Françaises  sont comptés. Il y aura encore longtemps dans le monde des pays qui produiront pour moins cher que nous.

Ce qui est constitutif de l’identité d’une entreprise ne se limite pas à son image. L’identité est une réalité plus profonde, un mixe de l’historique, des relations sociales, des valeurs, du secteur d’activité, de la personnalité du ou des dirigeants, de la nature des produits, du niveau de service, des capacités d’adaptations, des capacités créatives et d’innovations… Toutes ces réalités seront ressenties intuitivement par les acheteurs potentiels lors de leurs recherches de fournisseurs. Nous sommes en grande partie dans la dimension irrationnelle de la relation. Cela se manifeste lorsque l’on dit d’une entreprise ou surtout d’une personne et en l’occurrence, du représentant de l’entreprise : « je ne le sent pas ».

Voici ce que pourrait être une relation client fournisseur reposant sur la confiance :


Maintenant voici la même relation mais sous un régime de l'hyper-normalisation



Pour répondre aux « exigences du client », les fournisseurs acceptent une certaine forme d’ingérence dans leur propres entreprises. Les clients prennent en main  l’organisation. Or, les modèles d’AQF (assurances qualité fournisseurs) ne sont pas poly-compatibles. Le résultat c’est que les entreprises qui fournissent les grands donneurs d’ordres sont priées d’adopter les valeurs culturelles de leurs clients. Quand il y a plusieurs clients ayant plusieurs systèmes de valeurs, l’opération devient délicate et se résume par la mise en place d’un système basé sur le plus petit dénominateur commun. En clair, la perte d’un système de valeurs fédératrices pour l’ensemble des collaborateurs. On assiste à la mise en place d’un système a minima qui consiste surtout à énoncer des principes généreux que l’on placarde partout dans l’entreprise et surtout dans le hall d’accueil  comme pour conditionner le visiteur et éviter qu’il ne découvre la triste réalité.

Revenons un instant sur cette formule des « exigences du client ». Elle indique à quel point nous sommes passés sous le régime du rapport de force. Les clients, les donneurs d’ordres exigent de leurs fournisseurs des garanties, des engagements, des assurances… qui très souvent dépassent largement ce qui semble raisonnable (prenons pour exemple les exorbitantes pénalités de retard prévues dans certains contrats). En abusant de leur position dominante, ils poussent certains à prendre des positions déraisonnables et mortifères.

Perte des valeurs, perte d’identité, produits banalisés… perte de confiance…reste le prix. Pour éliminer toute velléité de négociation de la part des fournisseurs, reste la mise en place des enchères dégressives… quelles marges de manœuvre reste-t-il alors pour garder la maîtrise de son développement ?


Je discutais la semaine dernière avec un fournisseur de pièces pour l’automobile. Il fournit aujourd’hui son client avec un grade qualitatif de 30 ppm (parties pour million) soit : 30 pièces hors « normes » sur 1 million ! Il vient d’avoir une discussion avec son client qui lui réclame maintenant un grade qualitatif de 5 ppm ? Son inquiétude est grande face aux actions à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.  Il se trouve devants deux risques : un coût financier qui le mettra hors de prix; et un coût social qui le mettra hors d’usage !

Sous la pression normative et la nécessité de répondre aux « exigences » des clients dans l’illusion du « zéro défaut », la mise en place de solutions pour améliorer la qualité va prendre, dans le temps, la forme suivante.



Période 1, toutes les actions mises en œuvre vont porter leurs fruits et les progrès vont être efficaces et motivants.
Période 2, on observe un ralentissement du processus. Les actions entreprises sont moins efficaces et on constate un essoufflement chez les collaborateurs. Les contraintes prennent le dessus et il devient difficile de garder un esprit de créativité qui donne du sens à l’engagement dans l’entreprise.
Période 3, les coûts engendrés par la mise en place de nouvelles mesures et des contrôles qui vont avec deviennent exorbitants, les gains en qualité obtenus pour chaque action entreprise sont minimes, les collaborateurs sont démotivés par manque d’efficacité et de reconnaissance et l’entreprise a perdu son identité.
Finalement, les coûts financiers, sociaux et d’images auront raison de la politique qualité de l’entreprise qui va immanquablement se dégrader à nouveau.

Nous sommes dans beaucoup d’entreprise en période 3. 


Il y a donc une nécessité à redécouvrir le sens d’un engagement partenaire reposant sur la confiance avec ses clients et partenaires Cette démarche est difficile et nécessite des trésors d’astuces relationnelles. Mais cette démarche n’est pas impossible. Elle repose, entre autre, sur la réappropriation et la mise en lumière de la véritable identité de l’entreprise. 

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