« Connaitre, ce n’est point démontrer, ni expliquer, c’est accéder à la vision »

Antoine de Saint-Exupéry

mercredi 4 mars 2015

Retrouver l’esprit de Coopération
La récente émission sur le Bonheur au travail proposée par Arte nous apprend que 61% des salariés sont « désengagés » dans les entreprises Françaises. Ils viennent chercher un salaire, 28% sont « activement désengagés ». Ils sont en état de souffrance et agissent pour détruire l’objet de leurs souffrances et seulement 11% sont engagés dans leur travail !
La gestion des ressources humaines est une préoccupation constante des entrepreneurs depuis le début de la révolution industrielle. Elle a fait preuve de nombreux tâtonnements. Après deux siècles d’expérimentations, force est de constater que l’Homme reste un mystère pour l’entreprise.

Avec l’apparition des moyens de propulsion mécaniques à la fin du 18ème siècle puis des moyens de communication électroniques (téléphone au 19ème siècle), l’humanité est entrée dans un processus exponentiel d’accélération du temps et d’abolition des distances géographiques.
Cette réalité technique a permis une accélération incroyable du développement surtout dans les pays dit industrialisés puis l’avènement de la mondialisation et l’apparition du principe de « village mondial » qui laisse à penser que les Chinois sont nos voisins les plus immédiats. Chaque jour nous pouvons être en contact en direct avec des collaborateurs, des clients des partenaires où qu’ils se trouvent dans le monde.
La dimension humaine est à la fois pilote, bénéficiaire et victime de ce phénomène. Elle se trouve ballotée dans les remous successifs et rapprochés des vagues de changements auxquels il faut sans cesse faire face. 
La part humaine dans l’entreprise a connu au début de l’air industriel une période avilissante avec l’école classique en 1910 ou l’homme est reconnu comme une simple ressource subordonnée aux contraintes de production. C’est le principe de rationalisation avec les travaux de Ford, Fayol et Taylor ; En 1930 avec l’avènement de la première grande crise économique mondiale s’ouvre une période  humaniste. C’est l’école des relations humaines et les travaux de Mayo, Maslow, Lewin, Mac Gregor… La productivité est liée, pour les tenants de cette approche, aux facteurs humains et repose sur l’importance de rendre intelligible aux travailleurs la tâche qu’ils ont à accomplir. Le clivage décisionnel entre la direction et les ouvriers subsiste; En 1960 apparait l’approche systémique et stratégique des organisations. Les travaux de Crozier et Friedberg permettent de mettre en évidence l’influence de l’environnement et les limites des règles sur le degré de motivation des salariés et leur productivité ; en 1970, face à la monté des revendications sociales on observe la mise en place des approches contractuelles avec une judiciarisation des relations dans le travail qui continue à s’accentuer aujourd’hui encore; enfin les années 90 connaissent l’avènement de l’approche gestionnaire avec la financiarisation des entreprises, approche qui a toujours cours aujourd’hui et dont la conséquence principale est un brutal retour à la case départ et une gestion avilissantes de « ressources humaines ». En 2008, la deuxième grande crise mondiale créé une dynamique de replis sur soi et on observe la mise en place d’un courant de gestion individuelle de l’homme au travail. C’est l’hyper psychologisation avec, entre autre, le développement de l’accompagnement individuel (Coachs de la performance). Le risque majeur de cette approche, c’est l’individualisation excessive et la perte de l’esprit de coopération.


L’homo Economicus qui est la clé de tout développement économique se trouve donc depuis la fin du 19ème siècle balloté dans la spirale de l’accélération du temps et du développement des moyens de communication. Sa capacité à l’autodétermination pose un problème dans la vision gestionnaire de la gouvernance des entreprises. Nul n’est certain en effet, contrairement à la mise en œuvre d’une machine,  que le résultat du travail réalisé par un collaborateur sera le résultat attendu. Comment espérer alors atteindre ses objectifs et planifier un développement? La tentation est forte de le remplacer par une machine.
Les scientifiques se sont penchés sur le mode de fonctionnement de l’homme pour tenter de prévoir ses réactions et d’organiser les conditions environnementales favorables à la productivité attendue. Mais après 1 siècle de recherches et de mise en application, les résultats sont pour le moins décevants. Aucune Ecole, aucun courant de pensée aucune technique n’a pu venir à bout de l’imprévisibilité des réactions humaines. Et c’est tant mieux !
La conséquence de l’approche mécaniste de l’organisation des entreprises, c’est une perte de repères et une  déstructuration des personnes avec une tendance à fragmenter l’homme en morceaux utiles (cerveau ;  bras) pour le contrat passé avec l’entreprise et en morceaux inutiles voir considérés comme néfaste (cœur avec sa dimension affective, cerveau pour les exécutants, dimension spirituelle…)  et donc au mieux ignorés, au pire, combattus. Mais la nature humaine se révolte et tend à retrouver son intégrité son équilibre sa dignité. C’est l’avènement du développement individuel. La vie au travail créant un déséquilibre dangereux, l’Homme cherche un rééquilibrage ailleurs. Il consulte, se fait accompagner, fait du sport, il développe des conduites à risque, il est tenté par l’expérience sectaire, il développe des  maladies… la génération Y qui ne croit plus à un possible épanouissement au travail et peine à se mobiliser est sans doute l’aboutissement de ce processus.
La ressource humaine a cette extraordinaire qualité c’est qu’elle est « intelligente » ce qui lui donne la capacité à l’autodétermination soit la capacité de choisir librement si oui ou non elle va coopérer à la finalité de son entreprise. L’observation du schéma précédent nous amène à constater qu’il a fallu sans cesse développer de nouveaux courants de pensées pour essayer d’améliorer la disponibilité et l’efficacité de la ressource humaine au travail. La perte de vue de vue cette nécessité de la coopération intelligente créé des conditions de crises.
Depuis les années 90, c’est la gestion qui prédomine dans le mode de management des entreprises avec une finalité : faire du profit.
Quand on parle dans les séminaires de management de la nécessité de donner une vision d’entreprise on mesure la limite qu’il y a de faire du profit la réelle vision des dirigeants ou des propriétaires. Bien évidemment, cette finalité sous-jacente n’est jamais exprimée de manière brutale. Mais quand elle est ancrée dans les gènes de l’entreprise, elle transparaît et tous les discours qui tentent de la faire disparaître, tous les chiffons rouges agités pour détourner l’attention sont autant d’éléments de fragilisation de la confiance potentielle.
Dans une vision gestionnaire du management la rationalisation prend des allures de philosophie d’organisation. L’homme est alors considéré comme une ressource au même titre que les autres ressources nécessaires à la production. Mais l’homme n’étant ni un objet, ni une machine mais un corps organique capable d’autodétermination, il  est souvent perçu comme une limite. Ses aléas biologiques, psychologiques, sa nature même, font de lui une ressource peu fiable. Dès que cela est rendu possible, il est remplacé par une machine.
L’homo économicus est donc désunifié chosifié puis désemployé.
Face à certaines dérives constatées par l’augmentation des plans sociaux, le développement des maladies professionnelles, le développement des suicides sur les lieux de travail, le développement de la violence au travail… les pouvoirs publics tentent d’allumer des parts feux législatifs. C’est le cas, par exemple, des récentes lois sur les Risques Psycho Sociaux. Ce faisant, ils augmentent les contraintes de gestions et la judiciarisation des relations. La conséquence c’est la perte du lien directe et du lien de confiance entre les personnes. Chacun se réfugie derrière les textes de loi et l’homme de loi a fait une entrée remarquée dans la gestion des relations et des conflits dans les entreprises.
En parallèle de ce phénomène de judiciarisation de la relation s’est développé un sentiment de victimisation. Chacun d’entre nous peut aujourd’hui au regard de la loi se considérer comme la victime d’un système ou d’un autre, d’une personne ou d’une autre. La conséquence de cette attitude c’est la passivité et l’agressivité. Quand je suis la victime d’une injustice, j’attends de plein droit que cette injustice soit réparée. Je deviens donc passif dans l’attente que le coupable répare l’injustice.
Redonner du sens à l’engagement de tous dans l’entreprise n’est plus une option.

Pour y parvenir avec succès, un travail en profondeur sur la Vision, la Finalité, les Valeurs, le Projet... de l’entreprise est une nécessité. Leurs mises en lumières seront autant d’occasions de permettre à chacun de retrouver des raisons à s’engager à nouveau dans une démarche de coopération. Elles redonneront à la dimension Humaine de l'entreprise la capacité de compréhension intelligible de la "raison d'être" de leur entreprise et ils pourront alors décider en conscience d'adhérer au projet. 
Et pour le respect des salariés, cessons définitivement de gérer les Hommes et les Femmes dans l’entreprise comme une vulgaire ressource!

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